Les caractéristiques de dépendance aux produits numériques causent-elles un problème de santé publique ? Le modèle de l’économie de l’attention menace-t-il nos démocraties et la liberté de choix des individus ? Comment mesurer, cartographier et analyser les conséquences de l’économie de l’attention sur notre société ?
L’événement a été organisé en partenariat avec Offgridme.life, une Organisation à but non lucratif qui analyse les effets de l’économie de l’attention sur la société, et Personaldata une organisation à but non lucratif qui se concentre sur l’action individuelle et l’utilité collective des droits sur les données.
Au cours du processus d’extraction, des fonctions numériques addictives sont utilisées pour modifier le comportement des utilisateurs afin de les garder captif. La plupart de ces caractéristiques ont été copiées de l’industrie du jeu de hasard, et d’argent.
L’événement a réuni des experts locaux et des intervenants dans le domaine des addictions et de la technologie.
Yasser Khazaal, psychiatre en Addictologie au CHUV de Lausanne Dre. Sophia Achab responsable du programme des addictions comportementales aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), ont partagé avec le public leurs expériences dans le domaine des addictions comportementales. Hani Dabbagh a décrit l’évolution du modèle d’affaires des entreprises de technologie numérique tel qu’il l’a vécu pendant plus de 30 ans dans l’industrie de la haute technologie avec HP.
Selon les médecins, les premières études scientifiques mentionnant un lien possible entre Internet et la dépendance ont été publiées il y a 20 ans. Comme les gens commençaient alors à passer de plus en plus de temps sur Internet ou à faire des choses liées à Internet, des conséquences négatives sur leur vie privée, leurs activités scolaires et leur sommeil ont été observées. La communauté scientifique a commencé à soupçonner l’émergence d’un schéma de dépendance. Les scientifiques ont d’abord utilisé les mêmes critères que pour la dépendance aux produits (toxicomanie), mais ils se sont vite rendu compte que cette méthode d’analyse ne fonctionnait pas parce qu’Internet n'est pas un objet matériel.
Chaque application que nous utilisons est différente. La façon dont nous interagissons avec Instagram est différente de celle que nous avons avec Facebook. Cette caractéristique rend la discussion sur la dépendance à Internet (dépendance sans substance) difficile.
Il y a une inversion des valeurs lorsque le comportement devient incontrôlable. Même si l’utilisateur veut maîtriser son comportement, il éprouve des difficultés à le faire, ce qui a des conséquences négatives sur sa vie.
Ce comportement n’est pas temporaire mais persistant sur une plus longue période.
Lorsque ces 3 éléments :
1) un produit devient une priorité ;
2) une difficulté à contrôler son comportement ;
3) des conséquences sur sa vie et son bien-être général
se combinent, on parle de personne dépendante.
Les autres paramètres utilisés dans l’étude des addictions aux produits traditionnelles, tels que le sentiment de sevrage (” si je ne vais pas en ligne, je sens le manque “) ou une consommation croissante pour ressentir le même effet, sont encore controversés dans le domaine de la dépendance sans substance. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ne considère que les trois premiers paramètres comme les symptômes principaux de la dépendance aux jeux sur Internet par exemple.
Dre. Sophia Achab ajoute que ” lorsque nous élaborons des lignes directrices concernant le problème de dépendance ou de comportement problématique (un problème de santé lié à un mode de consommation), nous devons tenir compte de deux facteurs majeurs - autres que la perte de contrôle, la fréquence et l’intensité - qui sont les critères traditionnels utilisés pour la dépendance aux drogues. Le premier est la douleur de l’utilisateur et des personnes qui l’entourent par rapport à son comportement ; le second est l’échec de performance quand la personne lutte pour faire les choses qu’elle fait normalement ou pour accomplir les tâches quotidiennes. Il commence à avoir des problèmes à l’école, dans ses relations ou dans son travail”.
Pour comprendre le développement d’un comportement addictif, nous examinons la combinaison des trois paramètres suivants : l’environnement – un environnement favorable au développement d’une dépendance tel qu’un accès facile à un produit addictif, une situation familiale ou socio-économique difficile qui fait que la personne se sent exclue ; les vulnérabilités personnelles – la personne lutte avec l’affirmation de soi, avec anxiété sociale de dépression ; les composantes addictives des drogues, jeux en ligne, jeu etc.
Se concentrer uniquement sur l’individu et affirmer que le problème n’est pas le produit numérique mais l’individu qui utilise la technologie pour échapper à la réalité, un comportement qui le met en danger, est la mauvaise approche. Nous devons prendre en compte et ajouter les caractéristiques potentiellement addictives des produits numériques,” a déclaré Dre. Sophia Achab.
Comment mesurer le potentiel de dépendance d’une application ou d’un produit numérique ?
Paul-Olivier Dehaye de PersonalData.IO a proposé d’utiliser les demandes RGPD pour promouvoir la science à l’initiative des citoyens dans la compréhension des mécanismes de dépendance, rendue possible par le droit de portabilité des données. Pour ce faire, il propose d’avoir accès à plus d’informations que celles qui sont disponibles sur le portail automatisé de données.
M. Dehaye travaille actuellement sur un outil collaboratif et automatisé pour faire de telles demandes. Son projet utilise des données personnelles comme preuve à la fois de l’utilisation problématique d’Internet et d’une ingénierie (potentiellement) trompeuse par le biais de ce qu’on appelle des ” modèles sombres “.
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Pour aller plus loin
"The Age of Surveillance Capitalism" - Shoshana Zuboff