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La Bigorexie (ou le sport à tout prix)

avitaldenan

Dernière mise à jour : 27 févr.

Dans une recherche d’une image du corps musclé, sportive, à leurs goûts, une forme insidieuse d’addiction prend de l’ampleur. A l’origine, une volonté d’une pratique sportive saine, en résultat : la bigorexie (reconnue depuis 2011 par l’OMS).


Son origine


Identifié par le psychiatre William Glasser en 1975 comme une « addiction positive », bénéfique pour l’individu, elle est à ranger dans la catégorie des addictions comportementales au même rang que l’addiction aux jeux vidéo ou au travail (workaholisme). Elle se traduit par « un besoin irrépressible et compulsif de pratiquer régulièrement et intensivement une ou plusieurs activités physiques et sportives en vue d’obtenir des gratifications immédiates et ce malgré des conséquences négatives à long terme sur la santé physique, psychologique et sociale » (CERP de Toulouse cité par l'IFAC).


Comment se traduit-elle chez les sportifs ?


En pratiquant du sport, le cerveau va libérer des endorphines (hormones du bonheur) ce qui va lui procurer une sensation de plaisir et de bien-être. Comme pour les autres addictions, nous allons avoir une activation du circuit de la récompense avec libération de dopamine et de sérotonine (bonheur et perception du seuil de tolérance). Lorsque le sportif ou la sportive va arrêter son activité, il va y avoir une chute de ces hormones mettant le sujet dans un état de manque (avec les classiques : colère, irritabilité, dépression, etc.). Seule la reprise de la pratique l’aidera à sortir de ces états.


Tout sportif est donc bigorexique ?


Non, le diagnostic de cette maladie repose sur plusieurs critères. L’OMS, propose des listes de symptômes permettant d’identifier le comportement addictif. Permettant de différencier donc l’addiction d’une activité professionnelle, de loisir ou de remise en forme.


On retrouve dans le DSM V et dans la CIM 10 (des manuels de diagnostiques des troubles mentaux), ces critères :

  1. Un désir puissant ou compulsif de pratique une activité sportive

  2. Des difficultés à contrôler le temps consacré à l’activité

  3. Un syndrome de sevrage physiologique en cas d’arrêt ou de diminution de la pratique

  4. Une tolérance accrue, nécessitant toujours plus d’exercice pour obtenir le même effet

  5. L’abandon progressif d’autres activités au profit du sport

  6. La poursuite de l’activité malgré la connaissance de ses effets nocifs

Selon le DSM V, si un patient :

  • Présente 2 à 3 critères, l’addiction est considérée comme faible.

  • Entre 4 et 5, elle est considéré comme modéré.

  • Et à 6 critères, elle est donc sévère.


Quelles conséquences ?


Cette addiction peut toucher plusieurs aspects de la vie du patient :


Conséquences physiques :

  • Fractures de fatigue

  • Tendinites chroniques

  • Epuisement physique

  • Troubles du sommeil

  • Risque accru de blessure



Conséquences sociales :

  • Isolement social

  • Problèmes relationnels et familiaux

  • Difficultés professionnelles

  • Abandon d’autres centres d’intérêt



Conséquences psychologiques :

  • Anxiété intense

  • Episodes depressifs

  • Troubles du comportement alimentaire (notamment l’orthorexie

  • Obsession pour le physique et les performances

  • Dysmorphophobie


Pour les professionnels de la santé, certains sportifs peuvent utiliser des substances dopantes pour augmenter leurs performances et de l’alcool pour inhiber leurs détresses psychologiques.


Quels sont les facteurs renforçant les risques ?


On peut citer en premier lieu la pression sociale et culturelle. Les images de corps parfaits que nous recevons en permanence vont créer une pression intense. Celle-ci peut s’ajouter aux problématiques liées à l’estime de soi où l’individu va surinvestir la pratique pour tendre vers ses « idéaux ».

Les sujets présentant des antécédents de troubles mentaux (comme l’anxiété, des TOC, des TCA) vont aussi être à risque.

Et il ne faut pas oublier que les sportifs de haut niveau, bien que leurs pratiques soient avant tout professionnelles, restent particulièrement exposés et difficile à diagnostiquer.


Comment les accompagner ?


Cette addiction peut toucher plusieurs aspects de la vie du patient :


Suivi psychologique :

  • Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC)

  • Les entretiens motivationnels

  • Un travail sur l’estime de soi et l’image corporelle



Un suivi médical :

  • Accompagnement par un médecin du sport

  • Consultation avec un nutritionniste

  • Un bilan de santé complet



Réajustement de la pratique sportive :

  • Etablissement d’un programme d’activité physique équilibré

  • L’introduction de sports collectifs pour favoriser la socialisation

  • L’apprentissage de technique de relaxation pour gérer les phases anxieuses et/ou de manque



Pour Avital Denan, psychologue et addictologue : « l’objectif n’est pas l’abstinence totale, mais un retour à une pratique équilibrée et sans danger. Nous travaillons sur la prise de conscience de l’addiction et l’identification des déclencheurs émotionnels qui poussent à la pratique excessive ».

Dans cette idée, il est crucial d’en parler pour prévenir l’excès. L’OMS recommande un objectif de 150 minutes d’activité physique par semaine (loin des standards bigorexique donc). Bien que la bigorexie soit vue comme plus positive que l’obésité, il est important de garder en tête une vision saine du sport ET du corps.


Témoignage de T, 32 ans :


Ancien footballeur semi-pro, il témoigne : « Après ma carrière, je me suis lancé dans la musculation de manière obsessionnelle. Je passais 4h/jour à la salle, 7 jours sur 7. J’ai perdu mon travail, ma copine m’a quitté. C’est quand j’ai commencé à prendre des stéroïdes que j’ai réalisé que j’avais un problème. La thérapie m’a aidé à retrouver un équilibre. Aujourd’hui, je fais du sport pour le plaisir, pas pour fuir mes problèmes. »


Le mot de la fin


En 2024, là où le culte du corps parfait est très présent, la bigorexie représente un défi majeur. Le sport doit rester bénéfique, apporter un plaisir et un moyen d’améliorer sa santé. Il ne doit pas devenir une obsession la détériorant. Il faut écouter son corps et pratiquer une activité sans excès.

La prise de conscience et la prévention seront les clés pour lutter contre cette « addiction à l’image positive ». En aidant à créer une image corporelle saine et une activité sportive raisonnée, nous pouvons réduire son influence et ses conséquences, tout en favorisant un rapport au corps et au sport sain.


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